Perte de la liberté armorique

Anne de Bretagne, en acceptant d'être reine de France, avait gardé ses privilèges à la Bretagne (appelés liberté armorique). .
Louis XII, par son contrat de mariage (7 janvier 1499) et le traité l'accompagnant s'engageait à respecter les privilèges de la Bretagne et les institutions bretonnes (Parlement, Chancellerie, Chambre des Comptes et Trésorerie générale). L’édit d’union du duché et du royaume (et non l’intégration) est signé le 13 août 1532 par le roi François 1er à Nantes. Il spécifie à nouveau que les droits et privilèges seraient respectés et notamment « Aucun impôt ne pourra être levé que par le Parlement et les Etats de Bretagne  » .

Blason LOUIS XII, Anne De Bretagne, puis Louis XIV
Malgré l'opposition des Etats de bretagne, Colbert crée ouze nouvelles taxes entre 1664 et 1675.

Le parlement est exilé à Vannes le 16 octobre (exil qui dure jusqu'en 1690 et ne peut retourner à Rennes que contre un subside extraordinaire au roi de 500 000 livres1. Toute résistance politique à l'absolutisme est annihilée. Les États de Bretagne acceptent l'année suivante une augmentation du don gratuit de 15%, et toutes les demandes financières ultérieures du gouvernement, sans oublier les gratifications aux ministres, en particulier à Colbert et sa famille. La Bretagne doit subvenir entièrement aux besoins des troupes de répression, puis d'une armée de 20 000 hommes (ce dernier point en représailles aux doléances des États de novembre 1675)2.

Après deux tentatives en 1636 et 1647, Louis XIV impose en 1689 un intendant en Bretagne. Le gouverneur de Bretagne n'ayant plus qu'un rôle de prestige, l'intendant est le relais essentiel de la volonté de la monarchie.

Si la Bretagne avait perdu son indépendance en 1532, c'est véritablement en 1689 qu'elle devient directement contrôlé par le roi et perd les marges de manoeuvre qu'elle conservait encore. C'est la fin de la liberté armorique....

Pendant la Révolution de 1789, la perte de cette liberté armorique ne sera pas remise en cause. Pourtant de nos jours elle reste dans les esprits. Il est parfois évoqué, sur le ton de la plaisanterie, qu'il n'y a pas d'autoroutes payantes en Bretagne suite aux accords d'Anne de Bretagne qui a permis de conserver la liberté armorique...

la révolte de 1675 annonce 1789


L'historien soviétique Boris Porchnev a travaillé essentiellement sur le riche fonds Séguier, qu'il avait à sa disposition à Léningrad. Il décrit lui aussi cette révolte comme anti-fiscale, temps fort de la lutte des classes, mais il en élargit les causes à une révolte contre les prélèvements des seigneurs fonciers (nobles et ordres religieux). Il propose également une analyse patriotique bretonne de ce soulèvement en citant un article de N. Ia. Marr qui fait un parallèle entre la situation des Bretons en France et les « allogènes » caucasiens en Russie tsariste. Boris Porchnev écrit :« Le rattachement définitif de la Bretagne à la France, confirmé par les États de Bretagne, avait eu lieu en 1532. Peut-on parler d'asservissement national et de lutte de libération nationale des Bretons, étant donné que la noblesse bretonne s'était déjà entièrement francisée et que, au fond, seuls demeuraient Bretons les paysans ? La réponse est contenue dans l'état actuel du problème breton en France. En dépit d'une dénationalisation continue d'une partie des Bretons, ce problème demeure typique des « minorités nationales » et ne saurait être résolu dans les conditions d'un régime bourgeois »3. Boris Porchnev conclut : « Nous trouvons justement dans le XVIIe siècle les racines historiques lointaines de cette lutte »3. Enfin, pour lui, la révolte de 1675 annonce 1789.

Pour biens d'autres historiens également (dont Alain Croix), c'est révolte a posé les bases de la Révolution de 1789 : elle "est un affrontement entre la bourgeoisie et ses alliés d'une part, l'Ancien Régime d'autre part, comme lors de la Révolution française, à une échelle différente"

L'opposition au pouvoir central du roi ne fut pas le déclencheur. Néamoins, si la révolte fut d'abord antifiscale4 elle remet en cause un ancien système seigneurial ou les privilèges du clergé, de la noblesse, l'impôsition et une justice inéquitable restent le coeur des préocupations. Les codes paysans reprennent ces thèmes, et si la répression à fait taire la contestation, chaque nouvelle crise économique fera ressortir les inéquités de l'ancien régime jusqu'à éclater à nouveau pendant la Révolution de 1789.
Références:
1 La Borderie dans Les Bonnets rouges, 10/18, p. 155 et 161.
2 Quéniart (Jean), La Bretagne au XVIIIe siècle, Ouest-France Université, 2004, p. 19
3 Boris Porchnev, Les buts et les revendications des paysans lors de la révolte bretonne de 1675
4 Mousnier, Fureurs paysannes, 1967